Pourquoi la montée du FN-RN?

Le fascisme est à nos portes. Comment cela est-il possible? La question courre les rédactions de toute la presse. Les experts multiplient leurs expertises. On se demande quelles réponses ils vont pouvoir trouver qu'ils n'ont pas trouvé depuis quarante ans, parce que cela fait quarante ans que le FN-RN monte, petit à petit, doucement mais sûrement. La Gauche comme la Droite, depuis quarante ans, instrumentalise à des fins politiciennes le FN-RN et ses obsessions, l'immigration, la préférence nationale et la sécurité, jusqu'à la nausée. La conséquence en est que le FN-RN est aujourd'hui aux portes du pouvoir et que beaucoup de ces politiques, et cela a déjà commencé, iront sans états d'âme se réconforter sous la flamme néo-vichyste. La peste brune s'écrase dans l’œuf. Les politiciens ont préféré couver l’œuf. Quarante plus tard, ce dernier s’apprête à éclore.

Le fascisme, c'est l'expression d'une pathologie de masse, d'une maladie sociale, d'un mal-à-dire terrible. Nos démocraties modernes sont les résultats de la victoire de l'idéal des classes moyennes dont les valeurs étaient très simples, l’honnêteté, le travail, la famille unie, une certaine sobriété, la laïcité qui met les questions religieuses à l'écart de la vie publique et la relègue dans la sphère du privé. C'est par le travail que l'on pouvait se hisser dans l'échelle sociale. Les deux emblèmes de cet idéal était l'école, cette école de Jules Ferry tellement célébrée, l'école laïque, gratuite et obligatoire et la devise républicaine, au fronton de chaque mairie, cette devise pleine d'une promesse d'une vie forcément meilleure : "Liberté, Égalité, Fraternité". Dans les combats politiques qui opposèrent la Droite, des courants libéraux au communisme, c'est la social-démocratie qui a emporté la mise en répondant à la promesse démocratique d'amélioration du niveau social de chacun, des transformations de la société qui en découlent et à minima, de leur conservation, des nécessaires transformations sans violences des institutions démocratiques que les promesses républicaines rendent nécessaires.

Au cours du XX° siècle, la quasi totalité des classes sociales a pu, à des rythmes divers, intégrer ses fameuses classes moyennes. Ce projet d'ascension sociale qui fut aussi celui des différents peuples européens, chacun suivant son génie et son histoire propre, a permis la mise en place de ce projet hors norme dans l'histoire de l'humanité qu'est l'Union Européenne. Cette réussite exceptionnelle dans l'histoire des hommes a reposé sur le triomphe d'un système économique, le système capitaliste, qui imposa des coûts terribles, l'exploitation de la force de travail des hommes, même si leurs sorts s'amélioraient grâce à des combats syndicaux et politiques permanents, le pillage des ressources de ce qu'on appelait le Tiers monde, la mise à l'écart du monde communiste, une débauche de consommation en tous genres, particulièrement énergétique engendrant des pollutions parfois effroyables et le réchauffement du climat. Dans les années 70, cette promesse commence à s'éroder, la flamme vacille. Les pollutions deviennent de plus en plus importantes, le climat se réchauffe, dixième de degré par dixième de degré, les peuples du Tiers monde exigent que leurs ressources soient payées au juste coût puis le système soviétique s'effondre.

La réponse dominante à ces nouveaux défis fut l'ultra-libéralisme de Ronald Reagan et Margareth Thatcher et la mise en place d'une mondialisation débridée. Dans tous les pays démocratiques, la promesse démocratique s'est poursuivie sur sa lancée pour la majorité des populations, une consommation à outrance, une élévation sans précédents du niveau d'instruction, des avancées sociétales formidables (IVG, droits des femmes, recul de la peine de mort et plus récemment mariage pour tous...). Mais dans le même temps, un double phénomène se mettait en place. D'une part, la richesse des plus riches augmentait de façon vertigineuse, bien plus vite que le niveau social des classes moyennes, d'autre part, une fraction de la population sombrait dans la précarité. Ces phénomènes ont touché toutes les populations des pays démocratiques, de la France au Japon, des Etats-Unis à la Grèce sans exception. En France, les Restos du Cœur se mettaient en place dès les années 80. Tout le monde les pensait provisoires, quarante ans après  ils sont plus que jamais nécessaires, confortés par le pouvoir lui-même, objet de sordides profits fiscaux pour les grandes centrales commerciales (Carrefour etc...) en leur permettant de recycler leurs invendus avec profit.

En 2024, une infime minorité voit ses profits exploser, 40 % de la population voient se réaliser pour elle la promesse démocratique,  20% de la population sombrent tous les jours un peu plus dans la pauvreté, voir la misère, et les 40 % restant tremblent tous les jours en espérant ne pas rejoindre le groupe qui a chuté.  Et tout se sait. Chacun connaît le sort de tous. C'est le triomphe des médias de toutes sortes, radios, télévision, papier, réseaux sociaux. Nos sociétés se délitent, se fracturent, s'opposent, parfois violemment, Gilets jaunes, mouvements paysans, mouvement contre la réforme des retraites, mais aussi violences, émeutes urbaines, trafics en tous genre qui prospèrent sur la misère qui monte, misère financière et sociale, misère de la solitude. D'un côté, des gouvernants qui se pavanent dans de beaux costumes et qui affichent une arrogance décomplexée dans un sabir franglais appris dans les meilleures "Business school" auxquels répondent des jeunes issus des quartiers populaires dans leur propre sabir rappeur. De l'autre, une société qui se délite. Dans les milieux ruraux détruits par un mitage urbain qui fait de la voiture le seul moyen d'aller au travail, d'aller faire ses courses,  dans les lotissements pavillonnaires des couronnes urbaines lointaines, fruits de toutes les promesses de rêve d'une vie meilleure, ces gouvernants ont mis un frein brutal  à une promesse républicaine qui s'effrite. Les services publics qui mettaient du lien disparaissent au profit d'une numérisation déshumanisée que peu maîtrise, beaucoup de métiers perdent leur sens, la paysannerie, les pêcheurs, la course aux diplômes ne paye plus, se faire soigner devient une gageure... Les nécessaire mesures écologiques imposées d'en haut et dont les coûts sont mal répartis sont vécus comme des trucs de nantis, des trucs de bobos, 

Une vraie souffrance mentale et psychologique s'installe. Les hommes n'aiment pas souffrir, surtout dans leur tête. Quand ils souffrent, il leur faut mettre en place des stratégies pour dévier cette souffrance. Leurs deux stratégies principales sont d'abord  la violence envers les autres, accusés de tous les maux, et qui deviennent de vrais boucs émissaires, les femmes dans les violences conjugales, les enfants battus, les violences des bandes adolescentes et ensuite la violence contre soi-même, contre son corps, ce sont les maladies qui prospèrent sur nos points faibles, angines, grippes à répétition chez les fragiles du larynx et des sinus, maladies cardio-vasculaires. Le cancer en est une illustration frappante qui fait se retourner contre soi ses propres cellules qui prolifèrent de façon anarchique en se persuadant qu'elles sont immortelles.... Le fascisme est un cancer de la société. Aujourd'hui, la promesse démocratique n'est plus tenue. Des populations laissées sur le côté, de plus en plus nombreuses, adoptent les deux stratégies. D'une part, la violence se tourne vers l'autre, le différent, le pas pareil aux premiers rangs desquels sont placés les étrangers mais aussi les juifs, les musulmans, ceux qui ont une sexualité différente, demain les femmes. L'autre devient le bouc émissaire de tous les maux qu'il faut aujourd'hui éloigner et demain éradiquer. D'autre part, une violence se répand contre soi. Cette violence s'installe dans les quartiers populaire, trafics de drogue, bandes urbaines, violences adolescentes dans les cités, dans les écoles, les collèges, les lycées, organisées par des mafias qui ont parfaitement compris les failles. Des écoles, des bus, des maisons de quartier sont détruits. Le fascisme récupère la mise. Ses solutions violentes reviennent en force, véritable expression de cette maladie de masse. Déjà, nous pouvons voir se développer au grand jour les violences racistes, homophobes, antisémites, les attaques contre les mosquées pour ne puiser que dans l'actualité de ce jour. Les digues morales cèdent. Nos parts d'ombres sont acceptées, se banalisent (il suffit de visualiser les émissions de Cyril Hanouna sur C8). Le fascisme est à nos portes. Le président Macron porte une très lourde responsabilité historique en jouant avec tout cela.

Et pourtant, une alternative est possible. Elle réside dans une pacification de la société, le "care" évoqué par Martine Aubry en 2012, en répondant aux besoins des plus démunis (niveaux de revenus, logements, sécurité sociale alimentaire...), en réactualisant les grilles de revenus pour que le travail et les efforts soient gratifiés relançant la promesse républicaine, en rétablissant la confiance (à l'école, dans nos services publics, dans la parole données de nos gouvernants), en multipliant des consultations citoyennes et un dialogue social qui soient réellement pris en compte (une réforme de nos institutions est de ce point de vue essentielle), en supprimant le mode de scrutin majoritaire qui ne cesse d'instiller de la violence à chaque consultation électorale et ne permet pas le nécessaire dialogue et le développement de la culture du compromis, en menant une politique de transition environnementale alternative (transports doux, agriculture paysanne bio, énergies renouvelables non fossiles...) clairement expliquée et qui partage avec justice les coûts qu'elle induit, en rétablissant la fonction de "gardien de la paix" qui était celle de nos forces de police au détriment d'un tout sécuritaire et d'une politique du chiffre qui ne font qu'accroître les tensions urbaines, en traquant sans relâche les forces mafieuses aujourd'hui à l'oeuvre dans nos quartiers populaires sans les confondre avec les populations meurtries, en faisant confiance à la jeunesse, à son dynamisme, à ses capacités de création, en faisant de l'égalité hommes-femmes une véritable réalité, en réfléchissant, sans dénis, avec courage mais avec humanisme aux problèmes nouveaux que pose le monde d'aujourd'hui, les grandes migrations internationales, le développement du numérique à tout va... Qui et comment accueillir? Quelle politique de co-développement? Comment contrôler la folie numérique sans attenter à nos libertés? Développer toujours et plus notre Union Européenne dans un esprit de paix (organiser et développer Erasmus dans toutes les catégories de la jeunesse, contrôler drastiquement les lobbys, mettre en place une fiscalité européenne...)... Tout un programme ! celui du Nouveau front Populaire j'espère!

Cet article a été mis à jour le 20 juin 2024

Antoine Leprette

 Un passé de professeur d'Histoire et de Géographie,  d'infirmier,  d'expatrié en Arabie, en Afrique, toujours voyageur dans l'espace et le Temps, guetteur! Je souhaiterais faire profiter de ma boussole, constituée au fil du temps, de mes rencontres, de mes épreuves, pour s'orienter dans ce monde agité de si terribles soubresauts.