Un grand arbre avançait marchant sur ses racines,
Il marchait en tremblant dans la forêt perdue
Tendant ses grandes branches vers les hommes futiles
En agitant ses feuilles, en nous faisant des signes.
Ne serait-ce pas Treebear, le plus ancien des Ents
Qui appelle au secours pour sa forêt perdue?
Sa peau est faite d'écorce, sa barbe de rameaux,
Il porte devant lui le message de la sylve.
Il apparaît bien seul à l'orée du grand bois.
Où sont partis les dieux qui protégeaient Sylva?
Qu'êtes vous devenus? vous étiez immortels!
Aja des Yoroubas, Abnoba le Gaulois
Tapio et Melikki du pays des grands-froids
Et vous les Driaddes de la lointaine Hellade,
Aranyani des Indes, le Maori Tane,
Auriez vous rejoint Vidar dans ses silences du Nord?
Porewit n'est plus dans la toundra glacée,
Il ne protège plus le passant égaré.
Où êtes vous donc passés?
Je vous en prie,
Revenez!
Ils ne sont plus nombreux les peuples de la forêt,
Noyés dans nos tourments, nous les avons perdu.
Pour chaque homme qui chasse son enfance rêveuse,
Une fée agonise, un elfe disparaît.
Mais si nous fermons les yeux dans nos songeries blêmes,
Robin réapparaît et Peter Pan renaît.
Le chevalier Bragon et Gandalf le gris
Reviennent prendre l'épée, la Compagnie revit.
Nos rêves ne sont pas creux,
Nous retrouvons les dieux.
Je revois Sylvebarbe, il avance, têtu,
Il appelle au secours, j'en suis sûr, c'est bien lui,
Il n'est pas seul,
Je le vois,
Derrière lui se presse toute une multitude,
La foule de nos ancêtres accrochés à ses pas,
Ils chantent un air très doux et nous tendent les bras.
Peut-être pourrions nous, si nous croyons encore,
Faire la paix enfin, nous lover dans leurs branches,
Avoir confiance en eux,
Les faire revivre un peu,
Retrouver nos anciens
Que nous croyions éteints,
Sauver leurs protégés
Pour aussi nous sauver.
Alors un vent très fort souffle dans notre dos,
Les grandes voiles des arbres se déploient dans l'azur,
Le grand vaisseau des êtres de la forêt perdue
Appareille vers des terres, des rivages inconnus.
Osons prendre le large main dans la main des dieux!
Osons ne plus vouloir bâtir à qui mieux mieux!
Osons ne plus détruire, osons rêver un peu!
Osons aller moins vite, osons ouvrir les yeux!
C'est le grand cris de l'arbre.
Dans un souffle,
Sans un bruit,
Le monde se fit silence.
Une suspension du temps.
On entendit ses branches bercer au vent léger
Les nids des oisillons chantant sous la charmaie.
Antoine Leprette
Vendredi 3 juillet 2020- La Maison du pêcheur- Locmiquélic
Extrait de "Blues du soir: le grand cris de l'arbre" (Inédit)
Un grand chêne poussait au pied d'une fontaine.
L'arbre tendait ses grandes mains au bout de ses longs bras
Noués, tordus.
Il appelait le ciel.
Le ruisseau qui coulait dans un murmure profond se faisait ruisselet,
S'épuisait doucement.
Le ciel s'est tu,
La fontaine s'est tarie
Et l'arbre a gémit.
Au loin les machines brisaient, détruisaient, construisaient,
Les hommes s'aimaient, rêvaient, pensaient, calculaient,
Leurs cheminées crachaient.
Dans un geste furieux, Éole s'est redressé
Les océans grondaient, Saturne se cabrait
Et le ciel a parlé
Et la pluie est tombée,
Tombée,
Tombée.
La fontaine a pleuré tous ses torrents de boue,
Le grand arbre a chuté dans un grand cris de branches
Puis le ciel s'est tu,
A nouveau.
La fontaine a pleuré le grand arbre déchu.
Ses dernières larmes séchées,
La source, épuisée, s'est dissoute dans les sables désertés.
Au loin les machines brisaient, détruisaient, construisaient
Les hommes s'aimaient, rêvaient, pensaient, calculaient ...
Antoine Leprette
Samedi 9 mai 2020 - Maison du pêcheur - Locmiquélic
Extrait de "Blues du soir: le grand cris de l'arbre" (inédit)
Poème publié le 24 juin 2020 dans le volume 5a de la revue de Patrice Perron "Onn Zeu Oueb Eugaine"
Demain seront nos songes, demain seront nos nuits
Et nous vivrons ensemble tous nos rêves fleuris
Je t'aimerai mon ange
Demain comme aujourd'hui
Les oiseaux voleront dans nos rivières bleues
Les poissons nageront dans l'azur étoilé
Que vogue mon navire
Pour tes baisers poivrés
Nous irons lentement vers nos frères lointains
Repoussant l'horizon de nos mains enfiévrées
Filles et gars réunis
Par leurs doigts enlacés
Les cloches sonneront nos révoltes joyeuses
Les marins chanteront la vague retrouvée
Et nous auront du vin
Pour embellir l'ivresse
Dans la tasse de café, le marc s'est éteint
Mais j'ai lancé les dés: sous les pavés la plage,
Demain, une autre page
Demain, d'autres rivages
Antoine Leprette
Samedi 2 mai 2020 - Maison du pêcheur - Locmiquélic
Poème publié le 1 juin 2020 dans le volume 4 de la revue de Patrice Perron "Onn Zeu Oueb Eugaine"
Extrait de "dans les fêlures du Temps" (Recueil en préparation)
C'est long, si long!
Il faut du temps pour aller à demain
C'est loin, si loin!
Et nous y sommes déjà.
Et je me retourne.
Demain est déjà hier
Que s'est-il passé?
Je l'ai pourtant désiré demain
Je l'ai tellement rêvé.
Je l'entrevoyais dans mes nuits d'insomnie
Je le vivais goulûment dans un présent sans fin
Joyeusement
Avec délice
Avec jouissance
Dans un présent déjà passé
Demain!
Un autre jour
Et la rose est froissée
Que s'est-il passé?
On ne m'a pas expliqué.
Antoine Leprette
Samedi 2 mai 2020
Maison du pêcheur - Locmiquélic
Publié le 25 mai 2020 dans le n°0 de "Poesiemusiketc-La Revue"" dans le cadre d'un appel à auteurs sur le thème de "Demain".
Extrait de "Dans les fêlures du Temps" (Recueil en préparation)
Suis-je vivant?
Suis-je mort?
Suis-je en train de marcher dans mon rêve, endormi?
Le mouvement de la pendule semble s'être arrêté.
La vie s'est mise à bégayer
Le temps a dérapé
Nous sommes sur la bande d'arrêt d'urgence
Et nous voyons la vie passer sur le côté .
Nous sommes dans un cliquet du temps
Un cliquet bloqué.
Antoine Leprette
Jeudi 30 avril 2020 - Maison du pêcheur - Locmiquélic
Publié dans le volume 3 de la revue "Onn zeu oueb eugaine" - 10 mai 2020
Extrait de "Dans les fêlures du temps" (Recueil en préparation)