Pour Isabelle
Dans le matin naissant, une rose a fleuri
Et la fleur s'est fanée quand la journée est close
Demain dans mon jardin, elle renaîtra la rose
Merveille de la fleur qui tous les jours revit.
J'attends impatiemment son rendez-vous galant
Je voudrais être abeille, bourdon ou papillon,
Pénétrer son calice entrouvert doucement
Me gaver de son suc, féconder ses boutons
Merveille du temps qui passe, toujours se renouvelle
Et mon cœur qui s'embrase
Toujours, encore, sans cesse
Comme une première fois
Là-bas dans la vallée
J'entends danser le vent
Chante, chante la bise
Rend fort mon cœur d'enfant
A chaque heure qui passe, je peux créer le monde
Avec mes yeux, ma bouche, tous mes sens en avant
Mes oreilles tendues aux doux chants des oiseaux
Et ma peau qui frémit au bruissement du temps
Mes papilles sont gourmandes
Je veux vivre et goûter, déguster, aimer, me délecter
Du soleil, de l'eau, des arbres et des grands vents
Ivresse du moment, extase du toujours
Jubilation de l'éternité, contenue dans l'instant
S'émerveiller du temps qui passe
S'émerveiller du temps qui vient
Pour combattre nos peurs et vivre le présent
Savoir que nous sommes atomes et molécules
Venus du fond des temps, du secret des étoiles
Savoir que l'infini repose au creux de la rose qui s'étiole
Dégageant son parfum si doux et fort ensemble
Savoir que cette mort prépare son renouveau
Qu'elle a besoin de moi comme je n' suis rien sans elle
Ce savoir là m'émeut et me remplit de joie
Dans le matin naissant, une rose a fleuri
Et la fleur s'est fanée quand la journée est close
Demain dans mon jardin, elle renaîtra la rose
Merveille de la fleur qui tous les jours revit.
Antoine Leprette
Lundi 14 décembre 2020
La Maison du Pêcheur - Locmiquélic
Recueil en préparation "Dans les fêlures du Temps"
A Samuel Patty
Apprendre!
Mot double,
Donner et recevoir.
Quand je t'apprend, tu m'apprends.
Quand je t'explique, je t'écoute.
Partager ce que nous sommes.
Ce que je sais,
Que j'ai appris,
Que j'ai reçu,
Te le transmettre,
Recevoir tes doutes,
Tes questions,
Te remettre les miennes,
Te dire parfois: "Je ne sais pas!"
T'offrir mes certitudes "jusqu'à connaissances nouvelles",
T'aider à questionner ta foi, la mienne, celle des autres,
Ta foi reçue en héritage,
L'interroger,
T'aider à la faire tienne peut-être,
A la refuser parfois
Mais c'est toi qui choisi:
"Je garde ou je rejette?"
En être libre,
En concevoir le doute,
Apprendre de moi les mots,
Apprendre à les prendre pour les faire naître,
Apprendre mes connaissances.
Connaître, nouvelles naissances,
Découvertes d'autres mondes,
Naître à autre chose avec les autres,
Encore le partage.
Et la naissance peut être violente
Dans la découverte d'autres ailleurs.
Mais il ne s'agit que de mots.
Ils peuvent me heurter, te blesser.
On dit que les mots peuvent tuer.
Mais aux mots peuvent toujours répondre des mots.
Ils peuvent aussi caresser, faire jouir.
Aux mots peuvent répondre aussi tendre musique et couleurs scintillantes,
Avalanche de notes,
Rythmes endiablés,
Traits ravageurs, incandescents.
La poésie peut-elle tout dire?
Avons nous les mots pour dire l'horreur?
Tu es mort
Pour un coup de crayon,
Un crayon pour rire.
Tu aurais pu mourir de rire
Mais tu es vraiment mort.
"Les enfants!", tes enfants, ceux qui t'écoutaient, qui apprenaient.
"Ce n'est pas un jeu vidéo les enfants"!
Son cœur ne bat plus
Son aimée ne le serrera plus dans ses bras
Son enfant ne pourra plus lui dire: "Papa!"
Ceux qui t'ont volé ta vie ne veulent rien donner,
Ne savent pas recevoir.
Ils ne savent qu'imposer, forcer, violer.
Leur foi n’autorise pas le doute,
Elle brûle les livres,
Elle coupe les têtes, siège de la pensée
Pour un monde uniforme,
En uniforme.
Pour que vive la soumission,
Il faut éradiquer la pensée,
Il faut réciter sans jamais s'arrêter dans l'infini des temps
Mais surtout,
Surtout,
Ne pas apprendre!
Ne pas connaître
Ne pas renaître
Autodafés!
Têtes coupées!
Corps brûlés!
Apprendre.
Je t'apprends,
J'apprends de toi.
Apprendre pour être libre,
Libre, liber, livre,
Apprendre dans les livres pour être libre,
Pour creuser son chemin, choisir ses routes.
Apprendre pour grandir,
Créer sa route au milieu des autres, avec les autres, pas contre les autres.
Ou plutôt, parfois si, parfois aussi contre eux.
Je ne suis pas d'accord,
Tu n'es pas d'accord.
Et alors!
Tu peux croire ou ne pas croire.
Au commencement était le Verbe,
Et le Verbe était Dieu.
La Parole, la Bible
Le livre, le Coran
La même injonction:
"Lis!"
Pour apprendre,
Pour être libre.
Au commencement était le Verbe, la parole, le Logos,
La parole!
Parler, mais si tu parles je t'écoutes et puis c'est moi qui parle et alors tu m'écoutes.
Je questionne,
Tu réponds,
Tu questionnes,
Je réponds.
Et parfois le silence.
"Je ne sais pas"
"Je ne sais plus"
La Parole,
La dispute,
Sans fin, pour essayer de comprendre,
Pour te comprendre,
Pour me comprendre,
Pour te connaître,
Pour me connaître,
Pour naître à moi,
Naître à toi.
Pas pour prendre tout seul
Mais prendre avec,
Avec l'autre,
Avec toi,
Pour embrasser le monde,
Le saisir,
Le serrer dans mes bras,
Pour apprendre le silence aussi.
Avons nous toutes les réponses? Toujours?
Lui, l'assassin, voulait imposer sa loi,
Une loi toute faite,
Venue d'en haut,
Indiscutable,
Non négociable!
En te tuant Samuel,
Ils ont cher
cher à assassiner la parole, et le silence aussi,
L'essence même de ce qui nous fait vivre ensemble,
Cette parole qui est au cœur de nos lois
Sans fin discutées, lues, relues, corrigées, modifiées, contestées, amendées, vilipendées, manifestées,
Mille fois remises sur le métier
Avec ses mots, ses virgules, ses silences,
Enfin respectées!
Quel torrent de mots!
Quel torrent de paroles!
Envie de rire
Envie d'en rire,
Et les crayons sont là pour nous railler,
Pour se moquer
De nos travers,
De nos outrances,
De nos prétentions.
Et ta mort est devenue publique, objet des expressions de tous les egos,
De toutes les impudeurs,
De tous les manque de savoir-vivre,
Des savoir-mourir.
Ta mort souffle en tempête sur les réseaux du net.
Faut-il que nous nous aimions si peu?
Faut-il que nous ayons si peur?
Que nous aimions si peu l'image que nous donnons de nous pour ainsi, sans cesse, se mettre en pâture dans ces arènes apparemment sans visages mais qui, au bout du bout, peuvent tenir des couteaux, des grenades, des bombes et donner la mort, semer l'effroi et le doute en ce qui nous unit, la parole, devant la face du monde, provoquant la peur, l'effroi et puis l'angoisse?
En direct!
Antoine Leprette
Vendredi 6 novembre
La maison du Pêcheur - Locmiquélic
Extrait de "Être(s) libre(s)" (inédit)
La liberté de la presse, de caricaturer, une vieille histoire française, un combat incessant pour une démocratie toujours en équilibre.
1-Le Cri du Peuple. Journal de Jules Valles interdit par A. Thiers. Il reparaît pendant la Commune de Paris en 1871 et devient le journal le plus lu à Paris. Les Communards seront massacrés par Thiers. 20 000 Parisiens assassinés durant la semaine sanglante et il y a toujours des lycées Thiers en France!
2- Une de Charlie Hebdo de janvier 2020
3- La liberté de la presse de la Croix, journal catholique à l'Humanité, journal du Parti Communiste Français.
4- Damien Glez, dessinateur franco-burkinabe dans jeune Afrique en Novembre 2020.
5- Une de Charlie Hebdo après l'assassinat de Samuel Patty. La couverture republie des caricatures de Mahomet à l'origine d'émotions violentes dans le monde musulman et des assassinats provoqués par les tenants d'un islam politique pratiquant le terrorisme.
6- "J'accuse". Lettre ouverte de Emile Zola au président Félix Faure publiée en 1898 dans le journal de G. Clémenceau, "L'Aurore". Zola accuse une dizaine de personnalités de l'Etat d'être responsable de la condamnation du capitaine Dreyfus au nom de la raison d'Etat. Cet article vaudra à son auteur d'être condamné en Cour d'Assise ce qui le pousse à s'exiler au Royaume Uni. Son article marque le début de la procédure de réhabilitation de Dreyfus.
7- Une du journal turc Kumhuryet, seul journal d'un pays à majorité musulmane à avoir défié la censure en publiant en pages intérieures les caricatures publiées dans Charlie Hebdo.
8-«Un jour, Mme de Gaulle entre dans la chambre de ses petits-enfants et les surprend en train de se bidonner devant Hara-Kiri. Elle est horrifiée et déboule dans le bureau de son mari pour lui réclamer l’interdiction du titre !». Cette anecdote rapportée par le journal Libération est délicieuse. Hara Kiri, le journal bête et méchant fondé par Bernier, Cavanna et les autres fut interdit de vente aux mineurs le lendemain de la mort de de Gaulle par le ministre de l'intérieur de l'époque, R. Marcellin. Hara-Kiri engendra Charlie Hebdo. La prude Yvonne Vendroux-de Gaulle fut par ailleurs celle qui encouragea son mari à accepter la proposition de L. Neuwirth autorisant la contraception orale. Nous sommes pétris de contradictions.
9- Caricature de Daumier qui représente Louis-Philippe en Garagantua avalant des sacs d'or. Cette lithographie fut publiée en 1831 dans le journal "Caricature" et valu à Daumier d'être condamné à six mois de prison ferme.
10- Caricature du Canard enchaîné censurée par l'Etat-major pendant la première Guerre mondiale.
11- Le président de la République, E. Macron caricaturé. Sans commentaire!
12 et 13 - "Faut espérer que ce jeu là finira bientôt".
Deux images d'Epinal qui circulaient de village en village, transmises par les colporteurs, à la veille de la Révolution française. Le Tiers-Etat représentait 90% de la population. En son sein, 80% de paysans qui faisaient vivre les deux ordres privilégiés, le clergé (ordre n°1) et la noblesse (ordre n°2). La haine pour le clergé (principalement le haut clergé) était féroce dans une grande partie du royaume de France, le royaume "très chrétien". Le catholicisme fut l'opposant le plus farouche de la liberté d'expression et de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat, parfois très violemment, avant de découvrir la liberté que la laïcité lui apportait. La laïcité a permis de mettre un terme aux guerres de religions qui ont tant divisé et meurtri les Français, tout en permettant à chacun de vivre sa foi.
Lire la suite de Apprendre!
L'exil!
L'exil qui nous éloigne
L'exil qui nous sépare
Nous met à part
Nous rend, différents.
Étranges étrangers.
L'exil!
Parfois choisi
Souvent subi
Exil douleur
Rarement douceur
Exil tristesse
Parfois tendresse
Exil couleurs
Exil rencontres.
L'exil!
Qui nous fabrique
Qui nous façonne.
L'exil c'est partir.
Partir,
Sans revenir.
Partir,
Puis revenir.
Si loin!
Si près!
Les frontières nous enferment,
Les frontières nous accueillent,
Les frontières dans nos têtes,
Dans nos cœurs,
Dans nos âmes,
Des murs qui emprisonnent.
Où es-tu mon île,
Ma grande île,
Mon île rouge,
Mon île verte et bleue?
On m'a enlevé à toi il y a si longtemps.
L'arrachement!
C'est ainsi que je nommais la tâche grise qui hantait mes nuits d'enfants.
Et j'ai grandi si loin, avec en moi un vide, un manque, un trou que je n' pouvais nommer.
Où étiez-vous voix d'hommes et de femmes mêlées qui chantaient dans l'abside, derrière les bananiers verts?
Vos notes s'élevaient vers le ciel bleu et blanc,
Coulaient vers les rizières.
Elles couraient dans la ville, inondaient le jardin,
Venaient bercer l'enfant dormant sous la varangue.
La vague vous a ôté,
L'avion m'a emporté.
Quarante ans plus tard dans un Paris glacé,
Vos voix sortent de l'ombre.
Elles surgissent des sillons d'un vieux disque usé.
J'écoute, amusé, ces notes venues d'ailleurs.
Et puis mon cœur bondit,
Mes yeux tout embués de larmes qui débordent.
Tout au fond de mon corps, au tréfonds de mon âme,
Là
, très loin, dans un coin perdu de cellules oubliées,
Viennent les notes des hommes et des femmes mêlées
Qui chantaient dans l'abside, derrière les bananiers.
Ces notes réveillent en moi les souvenirs enfouis.
Moments si tendres,
Oubliés,
Perdus,
Aujourd'hui retrouvés.
Et je pleure doucement.
Mon cœur est si heureux de cette joie qui coure dans le réseau si dense de mes veines bleutées,
Mes nerfs sont à vif,
Effleurés par la caresse douce de ces voix venues des rives de ma naissance.
Je suis retourné sur l'île,
Mon île,
La grande île,
L'île rouge, verte et bleue.
J'ai retrouvé l'abside derrière les bananiers,
J'ai entendu les chants des hommes et des femmes mêlées,
J'ai mis mes pieds d'adulte dans mes chaussures d'enfant
Et j'ai fermé les yeux pour ce voyage ailé.
Mes pas m'
ont transporté,
C'est le jour du marché,
Les odeurs m’enivrent,
J'ai six mois
J'ai deux ans,
Ma main blanche dans la sienne,
Sa longue main noire si fine,
La main de Noureline,
Le long de l'océan aux couleurs vertes et bleues,
Les couleurs qui flottaient autour de la tâche si grise.
Au bout de la rue, la plage
Et la grande avenue bordée de cocotiers.
Et mes pieds me conduisent
Et je trouve la plage et la longue avenue bordée de cocotiers,
Là où le vert de l'eau se mêle au bleu du ciel,
Le long de l'océan,
Au bord du grand canal,
Celui du Mozambique.
Je peux pleurer enfin sur mon île retrouvée.
J'ai pu remplir le vide, le manque, le trou que je n' pouvais nommer.
Enfin réconcilié!
Antoine Leprette
Mercredi 23 septembre
La maison du Pêcheur - Locmiquélic
Extrait de "Dans les fêlures du Temps" - Recueil en préparation
Il est venu de loin,
Sa besace crevée,
De son pays lointain
Qui l'avait rejeté.
Ses yeux se perdent parfois,
Son regard est muet
Dans des ailleurs glacés
Où se givre l'effroi.
Il s'en venait d'Orient,
De cet Iran lointain
Aux senteurs de roses,
Aux parfums de jasmin,
Cette Perse mythique
Qui fit naître les poètes,
Poètes de l'amour,
Et du temps qui s'en va,
De son pays aimant
Violé par les violents
Qui volent, qui tuent, qui blessent
Pourchassant les amants
Au nom de Dieu, au nom de diable
Au nom de tant de boniments.
Il est là tout cassé,
Comme un oiseau blessé
Recherchant la tendresse,
L'amour et la beauté.
Il est là l'étranger,
Si proche et si lointain
Et nous n'avons pour lui
Que nos cœurs, que nos mains
Mais c'est déjà beaucoup
Pour l'homme qui a souffert,
L'enfant qui est sorti
Des geôles de l'enfer.
Et l'âme sœur est là
Tant cherchée, désirée
Qui revit et qui chante
Au printemps qui renaît.
Et c'est la vie qui gagne
Et c'est l'amour offert
Comme un affront suprême
Aux geôliers amers.
Merci à toi, merci
Prisonnier solitaire
Qui a su t'en aller
La tête haute et claire
Chantant ta liberté
A la face des hyènes
Pour retrouver les tiens
Embrasser ceux qui t'aiment;
Pour retrouver celui,
Contre vents et marées,
Qui remua le ciel,
Qui boul'versa la terre
Pour guider ton chemin,
Aplanir les montagnes.
Ses yeux étaient ton phare
Qui te guidaient la nuit
Au milieu des rochers
Dressés par les méchants
Pour t'empêcher de vivre,
D'aller le retrouver.
Étranger tu étais,
Tu es maintenant nôtre.
Nous t'accueillons sans fards,
Sans détours, sans histoires.
Puissiez vous vivre enfin
En paix, dans l'harmonie,
Mes enfants au passé
Si douloureux, meurtri.
Antoine Leprette
Dimanche 14 avril 2019
La maison du pêcheur - Locmiquélic
Extrait de "Etre(s) libre(s)" (Inédit)