Pourquoi ce blog?

Pourquoi un blog? il y en a tant et tant. Je n'en suis pas à mon premier, j'ai animé plusieurs blogs destinés à mes élèves en France puis en Arabie quand j'étais professeur d'histoire-géographie, je fus un des principaux animateurs d'un site d'opposition municipale dans la petite ville provençale où je vivais mais j'avais des raisons à cela alors pourquoi en rajouter dans ce torrent de mots qui inonde la toile? A quel titre? L'envie d'écrire sans doute, de lancer moi aussi mes bouteilles à la mer ou plutôt des mots sur le fil, partager mes rêveries, mes jubilations, mes convictions et mes coups de gueule. Ceux de mes ami.es aussi. Contribuer ainsi, modestement, à l'élaboration de notre regard collectif sur la compréhension du monde. Ce dernier n'existe pas en tant que tel. Sitôt évoqué, il s'enfuit déjà. Chacun de nos regards le crée et le transforme. C'est le faisceau de nos perceptions qui permet de lui donner une forme. C'est bien le drame de nos sociétés humaines que de vouloir apposer un label, un certificat d'authenticité et d'exclusivité à des définitions du monde et de notre humanité forcément parcellaires, engendrant de ce fait une violence insoutenable.

C'est l'expérience de l'histoire qui m'a appris à mieux regarder le présent. J'ai enseigné longtemps celle-ci et la fréquentation des faits et des auteurs, l'expérience de la transmission des connaissances, "valables jusqu'à nouvel ordre", m'ont appris que regarder hier, c'est comme voir un film. On peut se laisser séduire par les apparences de ce qui apparaît sur l'écran, mais l'expérience des spectateurs regardant le train arriver dans la gare de La Ciotat n'est pas reproductible. Ça n'arrive qu'une fois. Nous savons bien que les images sur l'écran ne sont que fiction d'un auteur, animée par ses acteurs et tous ses techniciens. On oublie ses intentions et le hors champs. On se laisse embarquer. Que c'est bon! Il en va de même de la reconstitution du passé. On s'approche toujours un peu plus de ce qu'on pense avoir été la réalité mais c'est pour mieux s'apercevoir à quel point elle nous échappe. L'histoire n'est qu'un leurre, une fiction, le résultat des regards des historiens qui cherchent avec humilité. Le reste n'est qu'instrumentalisation, ou registre de la foi.

Quant aux historiens de métier que j'admire tant et qui approchent l'histoire à partir de têtes d'épingle comme aimait nous le dire mon regretté maître en histoire de l'Antiquité tardive à la fac, Paul-Albert Février, ils sont, comme nous tous, le produit de ce qui les a fait et de leurs choix. Ceci influe beaucoup sur cela. S'en extraire est extrêmement difficile et nécessite de commencer par le nommer, d'où l’intérêt de jeter un coup d’œil, même rapide dans son rétroviseur. Nous sommes un et multiple. Les schizophrènes le savent bien qui ont tant de mal à maintenir ensemble les fragments éparpillés qui constituent nos êtres. Quoi de commun entre le bébé que je fus et le vieillard que je deviens? Nous passons notre temps à rassembler les morceaux.

Locmiquélic

Lundi 4 mai 2020

Avec Nathanaël à la technique. Merci mille fois!