Ils se tiennent par la main
Blottis l’un contre l’autre
Au fond d’un bus ou d’un métro
Métamorphose du temps qui passe
Il n’y a plus de temps
Le ciel est rose
Et les immeubles bleus
Avec du jaune aussi
Leur gomme amoureuse efface les chagrins du monde
Les guerres
Les vieux
Les tours
Les miséreux
Ils rient
De quoi ?
De qui ?
De tout
De rien
Et surtout
De tout et de n’importe quoi
Leurs doigts se tricotent
Se chipotent
Se pelotent
Indifférents au monde
Il s’aiment !
Antoine Leprette
Jeudi 28 octobre 2021
La maison du Pêcheur – Locmiquélic
« Singuliers dans la foule » (recueil en préparation)
Aimer
Aimer encore
Aimer toujours
Aimer jusqu'à plus soif
Et avoir toujours soif
Aimer la vie
Aimer les hommes
Aimer les fleurs
Et les oiseaux
Et t'aimer toi,
Toi, toujours,
Toi encore
Aimer dès l'aube
Aimer encore quand c'est la nuit qui se dérobe
Aimer la pluie et les nuages sombres
Aimer les arbres et les ruisseaux qui chantent
Le soleil qui brûle ma peau
Et la glace
Et la neige et ses flocons
Je t'aime
J'aime tes yeux
J'aime ta peau
Et le sel sur ta langue
Et le sucre de tes cheveux
Je t'aime
Et aussi tes colères
Et aussi tes manies
Tes désespoirs et tes envies
Et si je suis inquiet de ta peau qui se fane
Si l'angoisse m'étreint quand la bête te mord
Je sers ta main si douce et caresse ta joue
J'embrasse ton front brûlant
Je t'en aime que plus
Et encore
Et toujours
Au commencement du jour
A la fin de la ronde
Et j'aime aimer
Aimer encore
Aimer toujours
Dès le matin au petit jour
Et à midi
Et à minuit
J'aime rêver
Rêver d'amour
Rêver encore
Rêver toujours
Me faire dorer sur la plage au sommet des montagnes
Surfer sur les embruns dans les sables qui se perdent
La mer à la montagne
La montagne à la mer
Le soleil sur la lune
Et nous sur son étrave
Naviguant aux étoiles
Les comètes comme sillage
Et j'aime aussi mes peines
Et encore mes chagrins
Ivre de ma joie toujours
J'aime sentir mes troubles se diluer dans l'eau
Se dissoudre dans le vent
Je suis petit
Tout petit
Tout blotti sur le dos d'un oiseau
C'est un grand goéland
Il m'a pris sous son aile
Il m'emporte très loin, dans les replis du temps
Et je rêve d'impossible
Douceur du temps qui passe quand l'amour me caresse
Antoine Leprette
30 octobre 2019
La maison du pêcheur
Locmiquélic
Extrait du recueil « Pour les yeux d’Isa » Inédit
A mes ami(e)s qui ont subi(e)s, M, Ch, L, K, et à tous(tes) les autres...
Un corbeau s’est posé
Ses ailes l’ont recouvert.
Palais fermé
Gorge nouée
Noyée
Dans un hoquet
Elle cherche à respirer.
Le réveil sonne !
Nouvelle journée.
Soutanes, kippas et djellabas
Vos tapis de prières bien orientés
Vous avez laissé vos corbeaux s’envoler
Et puissamment se poser.
Les yeux perdus
Le cœur serré
La poitrine presque paralysée
Il affronte chaque nuit.
Terrorisé !
Aimer avec son âme
Aimer avec son corps
Quelle différence ?
Laissez venir à moi les petits enfants.
Papa, tonton et grand-papa
Le frère ou le cousin
Et parfois le voisin
Une main sous le pull
Les doigts entre les cuisses
Le corps tremble, se contracte
Le corps hurle !
Non ! Non !
Mais le corps laisse faire.
Je t’aime, tu m’aimes
Tu es mon premier amour.
Corps anesthésiés
Vies brisées, déchiquetées
Cœurs devenus papier
Cœurs de papier mâché.
Partout des corbeaux se sont posés
Couvrant de leurs ailes des cœurs à jamais glacés.
Aimer avec son âme
Aimer avec son corps
Quelle différence ?
Laissez venir à moi les petits enfants.
Aimer, baiser, faire un baiser
Un baiser sur le front
Un baiser sur le nez
Un baiser…
Ce n’est pas grave, c’est un bébé
Et je l’aime ce bébé.
Guizou guizou
Bisous partout
Viens donc sur mes genoux,
Viens !
A dada sur mon bidet
Viens mon petit, mon amour
Tu es à moi, ma chose
Tu ris
Mon enfant, ma vie.
Ta peau est si douce
Tu es si tendre
Mon enfant, mon petit.
Viens je vais te montrer
Et le petit grandit.
Aimer avec son âme
Aimer avec son corps
Quelle différence ?
Laissez venir à moi les petits enfants.
Maman et grand maman
Grande sœur, tatie, tata
Les yeux fermés
Bouches et cœurs cousus
C’est pas grave mon petit
Mon enfant, ma vie
C’est sa façon d’aimer.
Silence ! Action !
Oui mon papa !
Oui mon mari !
Oui mon bon maître !
Maître de maison
Maître d’école
Au basket, au piano, à confess’
Donnée à un mari.
Je t’aime mon garçon, ma fille
Dis moi tout et ne dis rien
Ne dis rien à maman qui sait tout et ne dit rien.
Aimer avec son âme
Aimer avec son corps
Quelle différence ?
Laissez venir à moi les petits enfants.
Mon travail, mes enfants, mon mari
Il est tard
Je suis lasse et fatiguée
Sommeil
Il est là dans mon lit
Mais comment ne pas dire oui
Fais ton devoir, c’est écrit
La femme doit obéissance à son mari.
Maquillées, pomponnées
Jupes fendues, gorges déployées
On nous disait :« Sois jolie ! »
Depuis si petites, si petites.
Pour qui ?
Dans le métro, dans la rue, au bureau
Mêmes mains, mêmes sifflets
Dans une cave, dans une voiture
A l’usine, au sortir d’un cabaret
Et jusque dans nos lits
Des hommes de rencontre, des patrons et parfois des maris
Tout le poids de leurs corps, de leurs désirs inassouvis
Souvent sans demander
Souvent sans écouter
Ils prennent
Parfois au risque de nos vies.
Aimer avec son âme
Aimer avec son corps
Quelle différence ?
Laissez venir à moi les petits enfants
Vies brisées
Tordues
Assassinées
Le grand corbeau s’en va
Le grand corbeau revient
Ses ailes déployées
Son ombre est là
Ses serres lacèrent
Tandis que le plumage de sa queue va et vient.
Un enfant, une enfant
Il a vingt ans
Elle a cent ans
Palais fermés
Gorges nouées
Noyés
Dans un hoquet
Ils cherchent encore à respirer.
Dans le désert de Palestine
Un homme pleure.
Antoine Leprette
Lundi 3 janvier 2022
La maison du Pêcheur – Locmiquélic
Extrait de « Blues du soir » (recueil en préparation)