Paru dans le n° 193 de la revue Florilège - décembre 2023
Ils ont grandi ensemble et se sont embrassés,
Ils se sont enlacés, l’un de l’autre amoureux,
Ils sont devenus un pour ensuite s’élancer
Vers le ciel plombé, droits et majestueux,
Les grands chênes moussus aux grandes mains ouvertes
Dont les faîtes surplombent toute la canopée.
Si hauts, si calmes, si forts, leur chevelure si verte,
Les grands chênes sont les maîtres de toute la forêt
Et pourtant, agressés par un soleil trop dur
La chaleur les aspire, les essore, les assèche,
Leur sève s‘évapore, leurs écorces se fissurent ;
Trop sensible à Hélios, ils se sentent menacés.
Pour affronter ses traits, leur peau est bien trop rêche.
Les grands chênes se meurent au fin fond des forêts.
Antoine LEPRETTE
21 juillet 2023 – Forêt de Camors
Paru dans le n° 191 de la revue Florilège - Juin 2023
Il fait chaud, très chaud
L’air recommence à trembler
L’homme venu du Sud l’avait presque oublié
D’où il vient, l’air n’arrête plus de trembler
Et le désert de s’installer
Puits à sec, tout l’été
A Marseille, à Alger
Mais Marseille est loin, tout comme Alger.
Là où toujours l’air tremble quand il fait chaud
Quand l’air tremble, le corps doit se cacher
Le corps mais aussi les oiseaux et tous les animaux.
Aujourd’hui, l’air tremble sur les rivages du Blavet
Été breton
Nouvel été breton
Algues vertes, bientôt feux de forêts
Silence !
Étourdissant silence !
La Bretagne mue, prend des airs de Provence
Avec les marées
Thym, romarin et oliviers
Bientôt la vigne et le serpolet
Puits à sec, tout l’été !
L’air se remet à trembler
Ça chauffe !
Je viens du Sud,
Et j’ai peur !
Antoine LEPRETTE
Vendredi 23 juin 2023
La Maison du Pêcheur – Locmiquélic
Il pleut dans mon jardin
Les gouttes tombent enfin, larges et grasses
Un bonheur désuet
A contre temps sans doute
Mais un bonheur si vrai
La joie de voir le vert revenir
La joie de sentir l’humus se remplir
Les fleurs s’épanouir
Un escargot qui passe
Une limace
Le gris du ciel apaise mes yeux trop bleus
Trop brûlés d’avoir trop contemplé l’air vibrant provençal
Les sables du désert
Les forêts tropicales
Il pleut sur la Bretagne
Cliché ?
Non ! Événement !
La Bretagne surchauffée par un soleil trop blanc
Que des hommes fous attisent
Tous les jours un peu plus
Activant le soufflet de leur forge assassine
La Bretagne est sans eau
Mais le soleil fascine le citadin meurtri
Cloîtré dans son antre de béton, de métro, de bitume
Le citadin enfoui qui rêve de peaux dorées
De plages bondées
De nouveau Saint-Tropez
Et tant pis pour la forge, les forgerons et leurs excès
Et tant pis pour demain, demain est autre chose
Il pleut dans mon jardin
Un merle se cache sous le lilas
Je ris !
Antoine Leprette
Mardi 07 juin 2022
La Maison du Pêcheur – Locmiquélic
« Songeries » (recueil en préparation)
Poème publié dans le n° 106 (avril 2022) de la revue Poésie Sur Seine sur le thème "Les fleurs"
:
Je marche dans la rue.
Une fleur me dit : « Bonjour ! »
Je passe,
Je m’arrête,
Me retourne,
« Bonjour ! »
Elle est là
Sur le mur,
Un vieux mur de pierres,
Esseulée dans la ville.
« Qui es-tu ? »
« Tu ne me reconnais pas ?
Je suis la fleur,
La fleur perdue,
Oubliée,
Jetée dans les poubelles d’un romantisme que l’on dit désuet,
Assassinée au nom de la productivité,
Éradiquée des champs,
Supprimée des pavés.
J’ai du migrer,
M’exiler.
Je me suis accrochée sur les pierres du vieux mur,
Tant qu’elles sont là (le béton avance qui ne m’aime pas).
Les abeilles ont disparu,
Mes amantes ne sont plus.
Je suis la fleur,
La fleur perdue.
Je suis une couleur,
Me transforme en parfum.
Je viens hanter vos rêves
De raisons raisonnées.
A peine fleurie,
Déjà perdue,
Je renaîtrai demain,
Si bitume et béton
Ne m’ont pas délogé.
Reine de l’éphémère,
Je parfume vos vies.
Je suis la fleur sauvage
Qui pousse sur le pavé,
La fleur des champs assassinée
Par des mécaniques aveuglées.
Pesticidée, herbicidée, fongicidée,
L’abeille est ma compagne
Bientôt asphyxiée.
Je suis la fleur,
Ta fleur.
Fleur de cœur !
La fleur de Béranger,
Le coquelicot de Manet,
L’aubépine d’Hugo,
La fleur traquée
Qui hante vos sommeils informatisés
Au rythme de vos algorithmes,
Vos cervelles sucées,
Vos neurones rongés.
Je suis la survivante
D’un monde oublié,
La fleur sauvage,
La fleur du pavé,
La fleur des champs pulvérisée,
La fleur qui est l’œil
Qui regarde dans les tombes de nos vies résignées.
Au revoir ! »
« Au revoir ! »
Je lui souris,
Fais un signe de la main,
Timide,
Et reprend mon chemin,
Les mains derrière le dos,
Le front penché,
Triste !
Antoine Leprette
Jeudi 30 décembre 2021
La maison du Pêcheur – Locmiquélic
Un grand chêne poussait au pied d'une fontaine.
L'arbre tendait ses grandes mains au bout de ses longs bras
Noués, tordus.
Il appelait le ciel.
Le ruisseau qui coulait dans un murmure profond se faisait ruisselet,
S'épuisait doucement.
Le ciel s'est tu,
La fontaine s'est tarie
Et l'arbre a gémit.
Au loin les machines brisaient, détruisaient, construisaient,
Les hommes s'aimaient, rêvaient, pensaient, calculaient,
Leurs cheminées crachaient.
Dans un geste furieux, Éole s'est redressé
Les océans grondaient, Saturne se cabrait
Et le ciel a parlé
Et la pluie est tombée,
Tombée,
Tombée.
La fontaine a pleuré tous ses torrents de boue,
Le grand arbre a chuté dans un grand cris de branches
Puis le ciel s'est tu,
A nouveau.
La fontaine a pleuré le grand arbre déchu.
Ses dernières larmes séchées,
La source, épuisée, s'est dissoute dans les sables désertés.
Au loin les machines brisaient, détruisaient, construisaient
Les hommes s'aimaient, rêvaient, pensaient, calculaient ...
Antoine Leprette
Samedi 9 mai 2020 - Maison du pêcheur - Locmiquélic
Extrait de "Blues du soir: le grand cris de l'arbre" (inédit)
Poème publié le 24 juin 2020 dans le volume 5a de la revue de Patrice Perron "Onn Zeu Oueb Eugaine"
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