Poème publié dans le numéro 107 de la revue Poésie sur Seine de septembre 2022 sur le thème "La montagne" (cliquer sur la page de couverture)
Adossé à la roche, où les oiseaux se marient à la pierre
Laisser venir l’espace
Se laisser envahir
Contempler la nudité du ciel
Laisser perler l’eau du torrent
Se gorger de son froid
S’ébouriffer de vent
Vivre en se laissant traverser par le léger ondoiement des herbes et des fleurs
Allumer un feu
Être le témoin du mariage des braises et des étoiles
Marcher, grimper
Là haut
Toujours plus haut
Encore plus haut
Goûter à cet air réservé aux oies sauvages
Et là, oubliant tout ce que l’on sait
Contempler, s’émerveiller
Se sentir pleinement au monde
Antoine Leprette
Dimanche 3 juillet 2022
La Maison du Pêcheur – Locmiquélic
« Songeries » (recueil en préparation)
Pour parler de la Provence, je veux partager ces descriptions si fines, si élégantes, rédigées par mon grand-père, Fernand Leprette, il y a près de soixante dix ans dans son beau livre, la Rose rouge, qui rend hommage à une amie provençale, trop tôt disparue, victime d'un cancer. Mon grand-père était un homme du Nord, fasciné par les lumières du sud, mais tellement respectueux de ces hommes, de ces femmes qu'il rencontrait et de ces paysages qui l'éblouissaient. C'est en homme grandi dans les corons du Cambraisis, venant d'Egypte où il séjournait depuis bientôt trente ans, qu'il décrit ces paysages provençaux qu'il découvre pour la première fois, près de Joucas, non loin de Gordes et de Roussillon, la demeure dont son amie était originaire
Lire la suite de La Rose rouge (extraits)
Un grand arbre avançait marchant sur ses racines,
Il marchait en tremblant dans la forêt perdue
Tendant ses grandes branches vers les hommes futiles
En agitant ses feuilles, en nous faisant des signes.
Ne serait-ce pas Treebear, le plus ancien des Ents
Qui appelle au secours pour sa forêt perdue?
Sa peau est faite d'écorce, sa barbe de rameaux,
Il porte devant lui le message de la sylve.
Il apparaît bien seul à l'orée du grand bois.
Où sont partis les dieux qui protégeaient Sylva?
Qu'êtes vous devenus? vous étiez immortels!
Aja des Yoroubas, Abnoba le Gaulois
Tapio et Melikki du pays des grands-froids
Et vous les Driaddes de la lointaine Hellade,
Aranyani des Indes, le Maori Tane,
Auriez vous rejoint Vidar dans ses silences du Nord?
Porewit n'est plus dans la toundra glacée,
Il ne protège plus le passant égaré.
Où êtes vous donc passés?
Je vous en prie,
Revenez!
Ils ne sont plus nombreux les peuples de la forêt,
Noyés dans nos tourments, nous les avons perdu.
Pour chaque homme qui chasse son enfance rêveuse,
Une fée agonise, un elfe disparaît.
Mais si nous fermons les yeux dans nos songeries blêmes,
Robin réapparaît et Peter Pan renaît.
Le chevalier Bragon et Gandalf le gris
Reviennent prendre l'épée, la Compagnie revit.
Nos rêves ne sont pas creux,
Nous retrouvons les dieux.
Je revois Sylvebarbe, il avance, têtu,
Il appelle au secours, j'en suis sûr, c'est bien lui,
Il n'est pas seul,
Je le vois,
Derrière lui se presse toute une multitude,
La foule de nos ancêtres accrochés à ses pas,
Ils chantent un air très doux et nous tendent les bras.
Peut-être pourrions nous, si nous croyons encore,
Faire la paix enfin, nous lover dans leurs branches,
Avoir confiance en eux,
Les faire revivre un peu,
Retrouver nos anciens
Que nous croyions éteints,
Sauver leurs protégés
Pour aussi nous sauver.
Alors un vent très fort souffle dans notre dos,
Les grandes voiles des arbres se déploient dans l'azur,
Le grand vaisseau des êtres de la forêt perdue
Appareille vers des terres, des rivages inconnus.
Osons prendre le large main dans la main des dieux!
Osons ne plus vouloir bâtir à qui mieux mieux!
Osons ne plus détruire, osons rêver un peu!
Osons aller moins vite, osons ouvrir les yeux!
C'est le grand cris de l'arbre.
Dans un souffle,
Sans un bruit,
Le monde se fit silence.
Une suspension du temps.
On entendit ses branches bercer au vent léger
Les nids des oisillons chantant sous la charmaie.
Antoine Leprette
Vendredi 3 juillet 2020- La Maison du pêcheur- Locmiquélic
Extrait de "Blues du soir: le grand cris de l'arbre" (Inédit)
Un grand chêne poussait au pied d'une fontaine.
L'arbre tendait ses grandes mains au bout de ses longs bras
Noués, tordus.
Il appelait le ciel.
Le ruisseau qui coulait dans un murmure profond se faisait ruisselet,
S'épuisait doucement.
Le ciel s'est tu,
La fontaine s'est tarie
Et l'arbre a gémit.
Au loin les machines brisaient, détruisaient, construisaient,
Les hommes s'aimaient, rêvaient, pensaient, calculaient,
Leurs cheminées crachaient.
Dans un geste furieux, Éole s'est redressé
Les océans grondaient, Saturne se cabrait
Et le ciel a parlé
Et la pluie est tombée,
Tombée,
Tombée.
La fontaine a pleuré tous ses torrents de boue,
Le grand arbre a chuté dans un grand cris de branches
Puis le ciel s'est tu,
A nouveau.
La fontaine a pleuré le grand arbre déchu.
Ses dernières larmes séchées,
La source, épuisée, s'est dissoute dans les sables désertés.
Au loin les machines brisaient, détruisaient, construisaient
Les hommes s'aimaient, rêvaient, pensaient, calculaient ...
Antoine Leprette
Samedi 9 mai 2020 - Maison du pêcheur - Locmiquélic
Extrait de "Blues du soir: le grand cris de l'arbre" (inédit)
Poème publié le 24 juin 2020 dans le volume 5a de la revue de Patrice Perron "Onn Zeu Oueb Eugaine"