à Gilles Vignault
J’avance dans le vent
Je ne sais où
Au milieu des cailloux
Piou !
Un jour,
Un loup viendra pour me lécher les joues
Je serai seul sous le soleil d’hiver
Et vous serez sous terre
Aveugles et muets !
Mais pour moi
Au-delà de vos murs
Au-delà de vos pièges
Elle est là qui m’attend
La piste !
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J’ai un garçon poisson
Sa mère était une nymphe
Il danse dans la mer
Les raies manta l’accueillent
Il raconte des histoires
Aux requins, aux baleines
Il leur parle
Les écoute
Il les a débranché
Vos pièges !
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Ma fille danse
Elle danse ma fille
Elle danse avec ses filles
Sur le dos du vent
Là-bas !
Sur la piste !
Au-delà de vos rêves
mais avez-vous des rêves ?
Là où vivent les loups
qui racontent leurs histoires
Des récits de printemps
Et de pièges rouillés
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J’ai un garçon lumière
Il agite un fanal
Au loin, très loin
Dans le blizzard glacé
Il défriche les chemins
Ses semelles sont de vent
Les loups le suivent en souriant
Et vous, sous le soleil d’hiver
Enfermés dans vos pièges
Vous dormez
Dans vos maisons de papier.
Antoine Leprette
01 mars 2024 - Train Paris-Lorient
Qu’il était doux le temps de l’eau
Chaque caresse me parvenait en onde tendre
Chaque mot était musique
Les couleurs étaient d’aquarelle jaune et rouge, orangée
Les jours et les nuits rythmés au son du tambour
Sans début et sans fin
Et puis ma couche est devenue trop serrée
Mon hamac étriqué
Les parois de mon nid se sont mises à pulser, frénétiques
J’étouffais
Les battements du tambour jouèrent des rythmes sauvages
Ils me disaient : « Tu dois partir, t’en aller »
Au loin, si loin et si proche, une voix douce, sa voix, la voix des sirènes,
me chantait « Viens ! Viens ! je t’attends ! »
Je me suis étiré dans un chemin étroit
J’ai rampé
Un départ sans retour
Des mains m’ont recueilli comme on accueille une offrande
J’ai respiré des flammes
Mes poumons brûlaient
J’ai hurlé de terreur
Épuisé, je me suis endormi au rythme du tambour
Peau contre peau,
Caressé
Premier port
Apaisé.
Jeudi 5 octobre 2023 – La maison du Pêcheur - Locmiquélic
Antoine LEPRETTE
Où es-tu donc passé adolescent perdu ?
Tu es parti bien loin au pays de mes songes
Longtemps tu es resté, comme collé à ma peau
J’ai été, tu n’es plus
Dans quel monde étrange tu sembles être dissout ?
Il est si loin l’adolescent aux joues de pêche, au parfum de groseille
Et pourtant mon âme, le sens-tu palpiter
Ce cœur adolescent qui s’enflammait si vite ?
Qui riait, qui pleurait, qui s’embrasait
Pour un sein aperçu
Un sourire reçu
Pour un nombril
Ton nombril, le mien, les seuls centres du monde
Je t’aime encore tu sais
Toi qui m’a donné tous mes premiers émois
Nos langues maladroites unies dans un frisson
Je, tu, nous,
Je m’aimais en toi, en toi je me fondais
« Je est un autre » s’exclamait Rimbaud
Et « Tu » es mon double
Nous avions dix sept ans.
Antoine Leprette -
Ôter sa peau d’enfant
Entrer dans un corps inconnu, sans filet, sans notice
Étranger
Sentir ce corps exulter, triompher
Source de peur parfois
Et de plaisir aussi
Te dire « je t’aime » pour la première fois
Pour un jour, pour la vie
Être ébloui, le cœur transi
Être immortel
Dévorer le monde, l’embrasser, jubiler
Être étourdi
Rire et pleurer sur ce monde
Parfois pour rien, parfois pour tout
Sans comprendre, étonné
Ne rien savoir sans le savoir
Douter et être sûr de tout
Bardé de certitudes
Et devant soi, un avenir infini
Rêver sans entraves
Avoir la beauté du diable et des copains pour la vie
Antoine Leprette
Publié dans le n° 192 de la revue Verso
Il avance à petits pas
La nuit est son royaume
Une nuit sans étoiles
Il écoute le monde
La musique du monde
Sur le balcon au-dessus des toits
Il parle aux chats
Et aux oiseaux aussi
Il aime bien les oiseaux
La nuit est son royaume
Une nuit étoilée de sons, d’odeurs,
Chaque vibration fait résonner son corps
Il regarde le monde
Ses yeux à l’intérieur
Il respire longuement la douceur du soir
Il l’aspire le monde
Renifle ses parfums
Les parfums du monde
Il frissonne
Revient, à petits pas hésitants
Son piano s’agite sous la caresse de ses doigts
Longues et douces fiançailles
Les notes courent, bondissent, ricochent
Sur les étoiles de sa nuit
Il joue sans s’arrêter dans ses ténèbres sans fin
Ses notes sont ses couleurs
Et sa musique interroge nos silences intérieurs
Antoine LEPRETTE
Jeudi 28 octobre 2021
La maison du Pêcheur – Locmiquélic
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