Vous avez dit Israël ? Palestine ? Israéliens, Palestiniens, aujourd’hui. Quid de demain ? - 6/7


« Le nationalisme, c’est la guerre » déclarait François Mitterrand.

« Quelle connerie la guerre ! »  écrivait Jacques Prévert.

Oui, quelle connerie qui tue des enfants, des hommes, des femmes par dizaine de milliers au nom d’idées toutes faites, de mythes inventés, d’un imaginaire qui donne une raison d’être, d’un dieu exclusif et jaloux pour une terre partagée, quelques arpents de sable et de cailloux. Comment grandir avec ces images d’assassins posant des bombes, égorgeant des enfants, pilonnant des maisons sous des déluges d’obus. Relisons « Une femme fuyant l’annonce » de David Grossman, les poèmes d’ Edward Saïd. Heureusement, d’infatigables David Barenboïm offrent de partager leurs humbles notes de musique de chaque côté pour faire chanter l’espoir.

Les assassins du Hamas qui rêvent de la destruction d’Israël sont les mauvais fruits engendrés par la cécité des politiques passées et présentes de l’État d’Israël. Les amalgames sont des virus aussi mortifères que les rumeurs. Tous les Juifs ne sont pas Israéliens et tous les Israéliens ne sont pas Juifs. Le culte de la victimisation repose sur le mythe du peuple élu, mais quel peuple élu ? Le peuple juif désigné comme tel par l’Éternel mon dieu dans la Bible ? Les musulmans tel que l'affirme le Coran dans sa troisième sourate? Tous les musulmans ne sont pas membres du Hamas et les membres du Hamas qui se revendiquent musulmans devraient relire le Coran à la lueur du monde d’aujourd’hui. Tous les musulmans ne sont pas Palestiniens, tous les Palestiniens ne sont pas musulmans et tous les Juifs ne sont pas israélites. Se revendiquer d’une communauté de civilisation est une chose, être croyant en est une autre. Et beaucoup s’en foutent !

Le racisme est une connerie (Brassens revient!) et un crime. L’antisémitisme qui littéralement ne concerne pas que les Juifs est un racisme et donc un crime. Faut-il rappeler que le terme sémite n’ a aujourd’hui qu’un sens linguistique et ne recouvre, dans son acception contemporaine, que des peuples anciens ou modernes ayant en partage des langues sémitiques. L’arabe et l’hébreu sont des langues sémitiques. Ce groupe est aujourd’hui intégré dans un ensemble beaucoup plus vaste dénommé chamito-sémitique qui recouvre de nombreuses populations africaines.

Faut-il rappeler aussi que les Arabes dans la mythologie biblique sont présentés comme des descendants d’Ismaël, frère d’Isaac-Israël ? Il serait bon d’actualiser notre vocabulaire. L’antisémitisme deviendrait alors le terme qui désigne le racisme contre les Juifs mais aussi contre les Arabes. Juifs, Arabes, Israéliens, Palestiniens, unis dans un même combat commun contre la connerie criminelle humaine. Voilà qui serait un beau programme. Le culte de la victimisation revendiquée par certains courants du monde juif repose sur une succession de violences terrifiantes envers les Juifs dont la Shoah fut l’acmé. Mais les Tutsi eux-aussi furent massacrés par les Hutus et les Arméniens par les Turcs et les Musulmans en Croatie par les Serbes et les Russes par les Nazis, les Indiens d’Amérique par les colons européens et les… parce que tous avaient le tord d’être Tutsis, Arméniens, Musulmans, Russes ou Amérindiens....

Ils s’appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou
D’autres ne priaient pas mais qu’ importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux

Jean Ferrat

Souvenons nous du film « La vie est belle » de Roberto Benigni, on pourrait remplacer Juifs par Tutsis, Arméniens, Musulmans, Russes ou Amérindiens... :

- Pourquoi les Juifs et les chiens n’ont pas le droit d’entrer, papa ?
- Ben, c’est comme ça, ils ne veulent juste pas de Juifs ou de chiens. Chacun fait comme il veut chez lui. Je connais une quincaillerie, à deux pas d’ici, ils refusent les Espagnols et les chevaux. Et juste à côté, il y a une pharmacie, figure-toi, hier j’y étais avec un ami à moi, un Chinois qui a un kangourou, je leur ai dit « On peut entrer ? » Non, les Chinois et les kangourous, ils en veulent pas. Ben, ils les aiment pas. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ?
- Mais nous, à la librairie, on laisse entrer tout le monde !
Guido : Eh bien alors, à partir de demain, nous aussi, on va en mettre une - Qu’est-ce que tu n’aimes pas, toi ?
- Les araignées.
- Moi, c’est les Wisigoths. On va faire une pancarte « Entrée interdite aux araignées et aux Wisigoths ». Et alors ! Ils m’ont toujours cassé les pieds ces espèces de Wisigoths. Ça suffit !


Les Juifs européens ont subi la Shoah, cette "chose" pour reprendre le terme qu'aurait voulu choisir Claude Lanzmann l'auteur de Shoah, ce film qui a mis en évidence ce qui se passe quand le mal absolu, cette part d'ombre que nous portons tous en nous et que nos mécanismes psychiques refoulent, et l'assassinat, son corollaire quotidien, deviennent la norme d'un pouvoir, d'une société; la "chose" parce qu'il semble impossible de donner un nom au massacre programmé scientifiquement de près de six millions d'individus au seul motif d'être désignés comme appartenant à un peuple que l'on n'aime pas, une Shoah qui toucha aussi les Tziganes.  Les Palestiniens ont subit la Nakba, l'exil forcé, les incendies de leurs villages, des morts trop nombreux parce qu'ils avaient le tord d'habiter leurs terres, les Ouïgours et les Tibétains d’aujourd’hui subissent une persécution sans témoins du fait du gouvernement chinois. Et que dire des femmes qui depuis des millénaires dans le monde entier sont des objets systématiquement enfermés dans des gynécées, des harems, sous des voiles, quand elles ne sont pas violées quotidiennement par des maris non choisis, excisées, parfois brûlées comme des sorcières, battues, violées au cours des guerres car le viol est une arme de guerre comme récemment au Congo et hier dans les kibboutz, ou simplement au détour d’un trottoir, à la sortie d’une boîte de nuit, par un patron véreux, un acteur prestigieux. Et les Européens et leur appendice américain n’en finissent plus de se vautrer sans pudeur dans leur culpabilité d’avoir initié, participé, collaboré ou fermé les yeux pour le plus grand nombre sur tous ces massacres.

Ce qui s’est passé dans les kibboutz près de Gaza porte un nom, un crime et les responsables du Hamas devraient être poursuivis pour crime de guerre a minima, comme Poutine, voir pour crime contre l’humanité. Laissons aux juges le soin de mener leurs enquêtes. Ils sont le produit des gouvernement successifs d’Israël. La résistance palestinienne est légitime mais le massacre et le viol de civils sont des crimes.

Le droit des Israéliens à se défendre est également légitime mais les massacres perpétrés par le gouvernement actuel pour satisfaire un premier ministre qui cherche ainsi à se soustraire à la justice de son pays et les fascistes israéliens de son gouvernement qui l’accompagnent peuvent être eux-aussi qualifiés des mêmes chefs d’inculpation. Le bombardement inconsidéré de maisons occupées par des civils, femmes, hommes, enfants et l’envoi de déluge de bombes sur les hôpitaux à Gaza comme en Ukraine et ailleurs sont des crimes qui préparent aussi les crimes de demain. La guerre actuelle contre le Hamas produira de nouveaux Hamas, par dizaines, par centaines. Au nom des crimes commis par l’armée russe en Ukraine, Poutine est poursuivi pour crime de guerre par la Cour Pénale Internationale de la Haye. Cela devrait être aussi le cas des dirigeants du Hamas et de Benyamin Netanyahou (mais aussi de Xi-Jinping et de bien d’autres pour le Tibet et les Ouïgours mais avec ceux-là, on fait des affaires. Cherchez l’erreur).

Deux poids, deux mesures. Et après on s’étonne du silence terrible de nombreux États africains, asiatiques, d’Amérique du sud à propos de l’Ukraine. On s’étonne en Europe que tous ces États se détournent de nos belles promesses républicaines et démocratiques. Mais business is business et peu importe que le monde s’enflamme ! Et pendant ce temps là, le crime organisé par le grand banditisme international conforte son pouvoir en Russie, en Iran, en Syrie, au Venezuela, bientôt au Liban à travers le Hezbollah, en Équateur, passant des alliances mafieuses, étendant leur ombre guerrière.

Et pendant ce temps là, notre planète qui n’a cure de nos tristes bisbilles humaines se réchauffe implacablement. L’État des îles Tuvalu demande l’asile climatique à l’Australie. Seulement 11 000 humains exotiques y résident, (même pas grave!). Cela fait l’objet de quelques images folkloriques à la télé. Demain, ce sera le tour des Îles Tuamotu de la Polynésie française (c’est pas important, c’est loin!). Deux millions d’humains du Bangla-Desh vont devoir quitter leurs terres d’ici quelques années parce que les inondations annuelles, du fait de la montée des eaux dans lequel se jette le Brahmapoutre sont multipliées par quatre et durent beaucoup plus longtemps et que ces gens là ne sont pas suffisamment équipés en masques et tubas pour pouvoir vivre sous l’eau convenablement. Que fera-t’on quand nous verrons arriver des zodiacs remplis de ces deux millions d’humains que nous n'auront pas aidé à rester chez eux quand ils auront traversé l’Asie pour rejoindre le mythe européen ? Les laisserons nous encore se noyer en Méditerranée comme les 27 364 noyés venus du Proche Orient ou d’Afrique depuis 2014 ? VINGT-QUATRE-MILLE-TROIS-CENT-SOIXANTE-QUATRE ! Mais ça ne sont que des Bougnouls et des Nègres n’est-il pas ? Une vie vaut une vie, un mort vaut un mort disent l’ONU et les âmes bien-pensantes ! "Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde" disait Jacques Chirac. Peut-être ! mais nous pouvons aider à mettre en place un système qui ne laisserait pas de place à la misère (10 % des plus riches de la planète qui s'enrichissent chaque jour un peu plus, possèdent 75% des richesses mondiales).

Au-delà du fracas des bombes, de nombreuses voix se font entendre, en Israël, chez les Palestiniens, un peu partout dans le monde pour crier « Assez ! » Assez de morts, assez de souffrances. Je me souviens, c’était au début des années 1970, ma grand-mère qui était d'une famille juive d'Alexandrie me disait en parlant des Palestiniens : « Je ne comprends pas, nous sommes cousins ! ». Ces voix sont actuellement totalement inaudibles. Puissent-elles enfin arriver à se faufiler.

Ce drame n’a que trois issues possibles, la destruction totale d’un des deux camps (le rêve du Hamas et des sionistes ultra, une destruction moralement insoutenable qui enflammerait le monde), une vendetta permanente dont plus personne dans plusieurs siècles ne comprendra véritablement l’origine (si tant est que le réchauffement climatique permette à cette vendetta de se poursuivre) ou bien l’acceptation de la nécessité d’enfin se reconnaître, de s’écouter, de se respecter, de combler les trous de leurs histoires respectives, d’en extirper les scories fabuleuses qui obscurcissent le discours, de se parler, de vivre ensemble quelle que soit la forme politique que cela prendra, deux États, fédération, confédération… seuls les habitants de ces terres sont à même de trouver les solutions, d’imaginer, d’inventer les solutions. Ils le font déjà sur le terrain, ils se connaissent si bien au travers de leurs échanges économiques, culturels, artistiques, de leurs souffrances partagées, de leur connaissance si intime de l’exil. Puissent-ils être entendus, avoir le courage, savoir se prémunir des faux-amis (il y en a tant!)… Faire la guerre est facile. j'ai un ennemi, je ne l'aime pas, je le combat. Faire la paix est plus difficile. J'ai un ennemi, je ne l'aime pas mais je dois vivre avec lui. Je dois faire la guerre contre moi-même. 

Des hommes comme Bassam Aramin et Rami Elhanan montrent le chemin. Aramin est militant palestinien. Il est le fondateur de l’association Combattants pour la paix. Il a passé sept ans dans les prisons israéliennes pour avoir hissé un drapeau palestinien. Elhanan est un ancien soldat israélien, fils de rescapé de la Shoah. Abir, la fille d’Aramin avait dix ans quand elle est tombée sous les balles israéliennes dans les territoires occupés. Smadar, la fille d’Elhana, avait treize ans quand elle fut tuée dans un attentat à Jérusalem. Tous deux, après un très long et douloureux chemin personnel ont décidé de fonder une association, « Le Cercle des Parents » qui regroupe plus de 600 familles israéliennes et palestiniennes pour dialoguer et tenter d’imaginer des solutions, pour que « plus jamais ça ! » Il a fallu comprendre que le drame des uns était le drame des autres. Une voie étroite, très étroite. Une voie périlleuse. Quel courage ! Affronter ainsi la haine et le regard des autres, surtout celui de la foule quand elle s’érige en juge !

« Le plus important est d'écouter et d'apprendre à connaître l'autre partie. Cela permet de développer davantage d'empathie pour l’autre. […] C’est une décision à prendre chaque matin, après une longue nuit sans sommeil (...) vous sortez de votre trou noir et vous faites un choix: cette voie-là plutôt que l’autre. Parce que votre colère peut créer un cycle de violence qui ne se termine jamais.» explique Bassam Aramin.

« Entre le fleuve Jourdain et la mer, il y a 12 millions de personnes, dont la moitié n'a aucun droit démocratique. Ils sont sous un régime militaire et le monde doit le savoir. » nous dit Elhanan. Parquer deux millions d’humains dans un territoire grand comme le cap corse ne peut qu’engendrer des Hamas de toute sorte. Les gouvernements responsables devront être juger un jour pour cela.

Restons sur cette parole d’espoir de Rami Elhanan :
« Nous n'allons pas nous entre tuer pour toujours. Nous ne sommes pas le premier ou le dernier conflit sur Terre. C'est ce que l’histoire nous enseigne. J'ai toujours dit que les Palestiniens n'ont pas tué 6 millions d'Israéliens. Les Israéliens n'ont pas tué 6 millions de Palestiniens. Et il y a un ambassadeur allemand à Tel Aviv et un ambassadeur israélien à Berlin. Il faut qu'un jour nous ayons un leader courageux qui nous emmène vers l'avenir et nous libère de ce passé très douloureux. »

Au-delà des déterminismes, du poids de l’histoire, des religions des uns et des autres, des symboles, de l’attachement à la terre, la liberté reste un choix, le plus difficile des choix car il implique toujours un deuil, le deuil de ce que l’on perd. Il faut savoir perdre un peu pour gagner beaucoup. Il faudra écouter, négocier, prendre le temps, sous le regard et les armes des assassins potentiels et le fatras de tous les donneurs de leçons et profiteurs du mal d’autrui instrumentalisé à l’infini. C’est le seul prix à payer pour que rameau d’olivier et colombe redeviennent les symboles de ces régions qui souffrent.

Et sans doute faut-il grimper à nouveau au sommet du Mont Moïse au lever du soleil pour y écouter un couple juif chanter la prière du matin, le Mode Ani « Les bontés de Dieu ne sont pas taries et ses miséricordes ne sont pas épuisées » (Livre des Lamentations ), écouter en alternance des musulmans moduler la sourate al Fathia « Au nom d’Allah Le Très miséricordieux, Le compatissant ! »  et comme un répond sublime, Bach, le psaume 51 chanté par une chorale protestante allemande « Ô Dieu, ai pitié de moi dans ton amour ».

Dans ce bassin où jouent
Des enfants aux yeux noirs,
Il y a trois continents
Et des siècles d'histoire,
Des prophètes des dieux,
Le Messie en personne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.


Il y a l'odeur du sang
Qui flotte sur ses rives
Et des pays meurtris
Comme autant de plaies vives,
Des îles barbelées,
Des murs qui emprisonnent.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.

Il y a des oliviers
Qui meurent sous les bombes
Là où est apparue
La première colombe,
Des peuples oubliés
Que la guerre moissonne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,

Georges Moustaki

Salam aleikoum ! السَّلَامُ عَلَيْكُمْ ! Shalom Alkhem ! שלום עליכם ! Que la paix soit avec vous… With God on your sides


Antoine LEPRETTE
A suivre... Addendum et bibliographie succincte



Cet article a été mis à jour le 28 avr. 2024

Antoine Leprette

 Un passé de professeur d'Histoire et de Géographie,  d'infirmier,  d'expatrié en Arabie, en Afrique, toujours voyageur dans l'espace et le Temps, guetteur! Je souhaiterais faire profiter de ma boussole, constituée au fil du temps, de mes rencontres, de mes épreuves, pour s'orienter dans ce monde agité de si terribles soubresauts.